Dans le cadre des journées Chaillot Augmenté x Rencontre TMNlab, consacrées à l’exploration des liens entre spectacle vivant et technologies immersives, Chrystèle Bazin a animé une session du Media Lab avec Maxime Touroute, artiste numérique et développeur. Ce podcast donne à entendre sa démarche originale de mutualisation de logiciels créés pour des œuvres, à destination d’autres artistes et structures culturelles. Une réflexion profonde sur les enjeux techniques, économiques et juridiques du numérique dans les arts vivants.
Animé et monté par Chrystèle Bazin, autrice sonore et journaliste
Enregistré lors de la rencontre TMNlab co-organisée avec Chaillot – Théâtre National de la Danse, vendredi 14 février 2025
Musique : The invisible party, compagnie Corps au bord
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Les prochaines journées Chaillot Augmenté x Rencontre TMNlab Art vivant et environnements numériques auront lieu les 4 et 5 mai 2026 [inscrivez-vous pour être informé en priorité]

Mutualiser la tech dans les arts vivants : l’approche artisanale et collective de Maxime Touroute
Artiste numérique, développeur, bidouilleur au service du spectacle vivant, Maxime Touroute est à l’origine de plusieurs logiciels conçus pour interagir avec la scène, les publics et les contenus immersifs. Durant les journées Chaillot Augmenté x Rencontre TMNlab, il a partagé son parcours et sa vision d’une technologie culturelle mutualisée et pensée pour les usages spécifiques du secteur.
Dès les débuts de ses collaborations avec des compagnies de danse ou de théâtre, Maxime Touroute constate un problème structurel : « Quand on développe un logiciel pour un projet spécifique, c’est souvent dans des conditions précaires. Le résultat, c’est un prototype permanent, instable, difficilement diffusable. » Pour sortir de cette impasse, il fait le choix de développer des outils mutualisables, de meilleure qualité, adaptables à plusieurs usages artistiques.
Trois logiciels au service des artistes
Maxime présente trois outils principaux développés dans ce cadre :
- Revy : une plateforme de diffusion en réalité augmentée, « comme un YouTube de la réalité augmentée », qui permet de créer et partager facilement des expériences AR.
- Live Maker : un système d’interaction en temps réel entre le public et une œuvre via smartphone, utilisé notamment dans une installation participative de vidéo mapping urbain.
- Audio Broadcaster : une webapp qui permet de diffuser du son en temps réel vers les téléphones du public, avec des applications en médiation, audiodescription, ou dans l’espace public.
Ces outils, d’abord développés pour des créations précises, sont ensuite stabilisés et mis à disposition d’autres artistes ou institutions culturelles via la structure Reveality, une S.A.S. (site web) permettant d’embaucher des ingénieurs et de maintenir les outils.
Un modèle économique encore en chantier
Comment pérenniser cette dynamique sans tomber dans la logique industrielle classique ? La réponse de Maxime est pragmatique : « Pour l’instant, les logiciels sont financés par les projets de création. On les stabilise, on les teste, on les améliore, et on regarde ensuite quels usages pérennes peuvent en émerger. »
C’est le cas, par exemple, d’Audio Broadcaster, pensé pour un projet de cirque et potentiellement réutilisable dans des théâtres pour l’audiodescription : « C’est un usage qui pourrait être permanent, peu coûteux, accessible à de plus petits lieux, et mutualisable. »
Le modèle est incrémental : à chaque création, une nouvelle brique logicielle est ajoutée, testée, documentée, et redistribuée.
Une coopérative logicielle ? Un horizon à construire
Le rêve d’un écosystème coopératif plus structuré émerge : « Ce serait génial de créer une vraie coopérative logicielle », confie Maxime, « mais ça demanderait du temps, une gouvernance collective, une sécurité juridique… » La mutualisation, si elle veut dépasser la bonne volonté, doit se structurer, juridiquement et économiquement.
Les enjeux juridiques sont d’ailleurs majeurs. Maxime évoque les « crevasses » du droit entre spectacle vivant, tech, et audiovisuel. Entre droits d’auteur, éditions logicielles, et sécurité des usages, il rappelle la nécessité d’une acculturation juridique des artistes : « On a fait bugger la SACD sur un dépôt d’œuvre en 3D temps réel ! Il faut qu’on développe ensemble de nouveaux cadres. »
Une dynamique collective et ouverte
Aujourd’hui, l’équipe gravitant autour de Reveality compte une dizaine de personnes, souvent en freelance. L’objectif : trouver un équilibre entre accessibilité, personnalisation, et passage à l’échelle. « Pour l’instant, pour avoir accès à un logiciel, il faut m’envoyer un mail… Mais on y travaille. »
Maxime résume sa méthode comme une pâtisserie partagée : « Le gâteau est là. Il fonctionne. Maintenant, pour chaque projet, on crée une cerise spécifique. Et ensuite, on remet la cerise sur le gâteau pour les autres. »
Ce processus artisanal et collaboratif pourrait bien dessiner les contours d’un nouveau modèle de création numérique, à la fois respectueux des droits, ancré dans les usages du vivant, et ouvert à la diversité des pratiques artistiques.
Cet article a été rédigé avec l’appui de l’IAgen, d’après la retranscription textuelle du podcast.

Explorez les contenus produits lors des journées Chaillot Augmenté x Rencontre TMNlab : Art vivant et environnements numériques les 13 et 14 février 2025 : tous les podcasts [écouter], toutes les tables-rondes [écouter], les présentations de l’espace démo [découvrir] !
Cet événement s’est tenu le cadre du Sommet pour l’action sur l’IA.
