Onboarding et offboarding, pourquoi ces moments sont clés
 : « Ce que je cherche, c’est créer un espace d’accueil où chacun, chacune, peut entrer à son rythme dans la danse, dans l’histoire, dans l’expérience » Margherita Bergamo Meneghini

À l’occasion des journées Chaillot Augmenté x Rencontre TMNlab, qui explorent les nouvelles formes de présence et de narration à l’ère du numérique, Chrystèle Bazin reçoit au micro la chorégraphe Margherita Bergamo Meneghini. À travers son œuvre Eve, dance is an unplaceable place et sa suite EVE 3.0, elle raconte comment la danse rencontre la réalité virtuelle, dans un dispositif sensible et inclusif où l’expérience prime sur la performance.

Animé et monté par Chrystèle Bazin, autrice sonore et journaliste
Enregistré lors de la rencontre TMNlab co-organisée avec Chaillot – Théâtre National de la Danse, jeudi 13 février 2025
Musique : Eve, dance is an unplaceable place, Compagnie Voix

Danser entre deux mondes : Margherita Bergamo et la scène étendue

Dans les spectacles de Margherita Bergamo Meneghini, il n’y a pas de rideau, pas de distance, pas de séparation nette entre le public et les artistes. Avec Eve, dance is an unplaceable place et sa déclinaison EV 3.0, la chorégraphe de la Compagnie Voix propose une expérience immersive et sensorielle, où la danse se déploie à la fois dans l’espace réel et dans un univers virtuel. « C’est une pièce qui travaille sur l’hybridation des présences, où le corps réel du danseur croise des avatars numériques dans une narration ouverte. »

Le dispositif est à la fois simple et sophistiqué. Une partie du public est spectatrice, l’autre est invitée à entrer dans la performance, littéralement : « Certaines personnes sont guidées vers une chaise, on leur met un casque de réalité virtuelle, et elles se retrouvent plongées dans une autre dimension. » Les films 360° les immergent dans une scénographie virtuelle, sans interactivité mais avec une forte puissance émotionnelle. « Le virtuel permet d’ajouter des couches de perception, de convoquer des corps absents, des lieux imaginaires. C’est une extension de l’espace chorégraphique. »

Ce qui distingue profondément le travail de Bergamo, c’est l’attention portée à l’accueil. Avant même d’enfiler un casque, le spectateur est invité à se mouvoir, à entrer dans une énergie collective. « On ne force personne, mais on crée une atmosphère propice, on réchauffe les corps, on rassure. » C’est ce qu’elle appelle le onboarding sensible : une transition douce vers la participation. « Je veux que chacun puisse sentir qu’il a sa place, même s’il ne danse pas. »

La même attention est portée à la sortie de l’expérience : « Il y a un moment d’atterrissage, de offboarding. Après avoir traversé une dimension virtuelle et vécu une émotion forte, il faut revenir au réel. C’est un temps important, que je cherche à prolonger dans l’échange, le silence, les regards. »

La chorégraphe témoigne de nombreux retours bouleversants. « Des gens m’ont dit avoir pleuré. D’autres ont parlé d’un manque, comme s’ils avaient quitté un lieu cher. Un jour, à Hambourg, le public s’est spontanément mis en cercle à la fin, c’était inattendu, très beau. » La porosité entre les deux mondes produit des effets de présence, de mémoire et de conscience inhabituels : « On peut être dans deux réalités en même temps, garder une vigilance tout en s’abandonnant. Cela crée une forme de conscience augmentée. »

Le spectacle est aussi un défi technique : casques, batteries, contraintes de mouvement. Mais Bergamo y voit un terrain d’apprentissage collectif : « C’est en pratiquant avec d’autres artistes, en expérimentant, en formant des interprètes, qu’on apprend. C’est une écriture de terrain. » Un travail profondément inclusif, aussi : « Je ne dis pas “accessibilité”, mais j’essaie que chacun puisse trouver sa manière d’entrer, de participer, quelle que soit sa mobilité. »

À la question de la transmission, elle répond en soulignant l’importance de formaliser ces gestes, ces attentions, ces savoir-faire fragiles. « C’est un art de la relation, difficile à documenter. Mais il faudrait le penser comme une part intégrante de la création. »

Le témoignage du producteur François Klein résume la force du projet : « Margherita arrive à créer une passerelle entre les mondes, à faire danser les corps, réels et virtuels, jusqu’à un moment de libération. C’est bouleversant à chaque fois. »

Cet article a été rédigé avec l’appui de l’IAgen, d’après la retranscription textuelle du podcast.

Cet événement s’est tenu le cadre du Sommet pour l’action sur l’IA.

Laisser un commentaire