La journée d’accélération consacrée au thème « Re-populariser le théâtre avec le numérique ? » s’inscrivait dans le cadre du PEPR, réunissant l’ICCARE-LAB et le projet THEMIS. À cette occasion, le TMNlab, représenté par Clément Coustenoble et Séverine Bouisset, directrice de la Scène nationale Les Gémeaux et membre du CA, étaient invités à prendre part aux échanges. Artistes, institutions, chercheurs et techniciens ont ainsi partagé une réflexion commune : le numérique apparaît aujourd’hui comme un levier essentiel pour transformer l’accès au théâtre, en renouveler les formes et repenser la relation au public.
Ci-dessous un contenu des trois tables rondes
Nous ajouterons prochainement ici la restitution complète de la journée
1. Développer l’accessibilité par le numérique (Table ronde 1)
Institutions culturelles, réseaux professionnels et laboratoires travaillent à intégrer pleinement le numérique dans la vie des théâtres.
À la Scène Nationale Les Gémeaux, Séverine Bouisset montre que les dispositifs immersifs (VR, spatialisation sonore, interactions) modifient :
- le rapport scène–salle,
- la manière de recevoir un spectacle,
- et les temporalités de l’expérience (avant, pendant, après).
Ces formats attirent de nouveaux publics, notamment des jeunes et des personnes âgées curieuses de découvrir la technologie dans un cadre culturel. Certaines expériences démontrent cependant la nécessité d’une médiation solide pour accompagner le spectateur et maintenir un lien humain.
Au TMNlab, Clément Coustenoble met en lumière un autre enjeu : la découvrabilité. Le numérique devient un espace d’accueil, de confiance et de repérage, particulièrement sur les réseaux sociaux où se trouvent aujourd’hui de nombreux publics culturels. Le numérique offre un langage plus accessible et permet de repenser les parcours spectateurs : billetterie, information, médiation avant le spectacle, interactions en salle et pluralité des modes d’accueil (autonome ou assisté).
Enfin, Alexis Paljic nous présente les projets AR/VR portés par Mines Paris-PSL qui ouvrent de nouvelles voies en matière d’accessibilité sensorielle, cognitive, culturelle et économique. Sous-titrage augmenté, espaces virtuels exploratoires ou formation immersive aux métiers du théâtre créent de nouvelles modalités de rencontre, tout en réduisant certaines barrières matérielles.
À travers ces approches, le numérique se révèle un véritable outil de démocratisation, mais aussi un terrain d’expérimentation où se posent des questions de médiation, de financement, d’impact durable et d’identité artistique.
2. L’IA comme moteur de création vivante et participative (Table ronde 2)
Le spectacle Que la machine vive en moi du Groupe Scalpel de illustre une autre manière d’intégrer le numérique : non pas comme support, mais comme acteur créatif.
Romane Nicolas, Elio Jacquet, Clarice Boyriven et Arthur Vernier-Dasque, nous explique que l’écriture du spectacle se construit en direct avec l’IA, à partir des propositions du public. Chaque représentation devient unique, ludique, pop et partagée. Le projet revendique une esthétique accessible, bricolée, queer et inclusive. Les artistes jouent avec la machine, ses limites et ses biais, dans une démarche où le rire, la participation et la compréhension des outils sont au centre.
Cette approche attire des publics que le théâtre ne touche pas toujours : jeunes publics, communautés queer, spectateurs curieux de technologies, ou néophytes séduits par le dispositif participatif. Elle montre que le numérique peut être un puissant vecteur de renouvellement artistique, tout en gardant l’essence du théâtre : la présence, l’éphémère, l’authenticité du live.
3. Les nouveaux modes d’engagement du spectateur (Table ronde 3)
Cette dernière discussion entre, Franck Bauchard (Ministère de la Culture, DGCA), Jean Boillot (Compagnie La Spirale), Félix Pages (Ingénieur et comédien), Izabella Pluta (U. de Lausanne), Marius Preda (IPP) et Julie Valero (UGA), met en avant un changement profond : l’ère numérique transforme la place du spectateur. Il devient plus actif, plus impliqué, parfois co-créateur.
Chercheurs et artistes montrent comment les formats immersifs (VR, binaural, interactions textuelles ou ludiques) redéfinissent l’expérience théâtrale. Le spectateur peut choisir son degré d’engagement, entre simple observation et participation directe. Cette dynamique s’inspire notamment du jeu vidéo, des plateformes numériques ou des réseaux sociaux.
Plusieurs intervenants invitent toutefois à dépasser l’idée de “repopularisation” : le véritable enjeu serait de repositionner le théâtre dans un environnement culturel qui évolue. Le numérique ne sert pas qu’à moderniser : il permet aussi de porter un regard critique sur nos usages, d’aborder des sujets contemporains (harcèlement, identité numérique, post-humanisme), et de maintenir un lien fort avec le réel, la présence et le collectif. Populariser un nouveau regard sur le numérique et critiqué celui qu’on nous impose.
Si certains expérimentent la diffusion ou des captations 3D, tous s’accordent pour dire que la scène vivante conserve une dimension affective et sociale irremplaçable. Le numérique agrandit le champ du théâtre, mais ne s’y substitue pas.
Pour conclure, à travers ces trois approches – institutionnelle, artistique et théorique – la journée montre que le numérique est un outil d’accessibilité, un support créatif, un espace de médiation, et un terrain réflexif.
Il permet d’atteindre de nouveaux publics, d’augmenter l’expérience du spectacle, de renouveler les pratiques artistiques et de repenser la place du spectateur. Cependant, plusieurs limites doivent être gardées à l’esprit : la mise en œuvre de certains dispositifs exigent ressources, compétences et médiation. L’impact durable du numérique reste encore à mesurer.
Plutôt qu’un moyen de remplacer la scène ou de la “digitaliser”, le numérique permet plutôt d’adapter le théâtre aux usages contemporains, de renforcer son attractivité, et d’ouvrir de nouvelles portes vers sa compréhension, son vécu et son appropriation.
👉Pour plus d’informations sur les prochaines journées d’accélération de l’ICCARE-LAB et du projet THEMIS : https://pepr-iccare.fr/evenements/
