Organiser un spectacle dans le métavers : « Je suis convaincue que dans les univers virtuels, le lien est d’abord un lien de corps. Même en pixels, on est là, ensemble » Maud Clavier

À l’occasion des journées Chaillot Augmenté x Rencontre TMNlab, consacrées aux arts immersifs et aux technologies de la présence, la journaliste et autrice sonore Chrystèle Bazin s’entretient avec Maud Clavier, productrice d’expériences live dans le métavers et présidente du Conseil National de la XR. Elle revient sur ses expérimentations dans les mondes virtuels, ses méthodes d’accueil du public, et sa manière d’orchestrer des dramaturgies sensibles dans des environnements numériques collectifs.

Animé et monté par Chrystèle Bazin, autrice sonore et journaliste
Enregistré lors de la rencontre TMNlab co-organisée avec Chaillot – Théâtre National de la Danse, jeudi 13 février 2025
Musique : teaser Vroom

« Créer des liens réels dans des mondes virtuels »

Ancienne directrice des opérations chez VRROOM, Maud Clavier a produit plusieurs événements d’envergure dans des mondes virtuels collaboratifs, dont le concert de Jean-Michel Jarre à Notre-Dame en VR, vu par plus de 75 millions de spectateurs. Aujourd’hui directrice des projets innovants chez Zorba Group, elle continue de défendre une vision profondément humaine du métavers.

Depuis plusieurs années, elle travaille avec des artistes, des publics et des ingénieurs à créer des « mondes » relationnels, où l’on peut se rencontrer, jouer, cohabiter. « Le point de départ, pour moi, c’est toujours : comment créer un sentiment de confiance dans un espace qui, au départ, est technique, inconnu, souvent intimidant ? »

Le design de la présence : une dramaturgie de l’accueil

Pour Maud Clavier, les univers virtuels ne sont pas des décors interactifs mais des espaces de lien. Elle parle de design de la présence, une démarche qui englobe autant l’ergonomie que l’émotionnel, la technique que la poétique. « On soigne l’entrée dans un espace virtuel comme on soigne l’entrée dans un théâtre ou un rituel. L’onboarding, ce n’est pas une étape fonctionnelle – c’est un moment dramaturgique. »

À travers différents projets menés sur VRChat, AltspaceVR, Engage, Roblox ou sur la plateforme VRROOM, Maud Clavier élabore des formes de passages : du réel au virtuel, de l’observation à la participation, du silence à l’échange. Elle invente ce qu’elle appelle une dramaturgie de la transition.

« On lit les corps, même dans les mondes virtuels. La façon dont une personne déplace son avatar, hésite, recule, avance, en dit long. Le lien est incarné, même en pixels. »

Du sas d’entrée au soin du départ

Pour permettre cette qualité de présence, Maud Clavier accorde une importance particulière aux rituels d’entrée, qui peuvent prendre la forme de gestes partagés, de consignes sensibles, de spatialisation douce. « Il faut permettre à chacun de prendre place à son rythme, de choisir le degré d’engagement. On a aussi le droit de rester en retrait, de venir en observateur. »

Le offboarding, dit-elle, mérite autant de soin. « Ce n’est pas juste “quitter la salle”. C’est un retour au réel, une sortie de scène. Il faut permettre de poser ce qu’on a vécu, d’en parler, ou simplement de s’en remettre. » Dans ses projets, cela passe par des temps de parole, des bulles d’échange, ou simplement des espaces silencieux.

Vers une culture partagée des environnements immersifs

S’inspirant autant du théâtre immersif que de la philosophie des communs, Maud Clavier forme régulièrement des équipes artistiques et techniques à ces enjeux : comment créer un cadre relationnel fort dans des environnements digitaux. Elle milite pour une approche inclusive, éthique, mutualisée du design d’expérience en VR.

« Ces savoir-faire sont encore jeunes. On apprend en marchant. Mais il faut documenter, partager, faire émerger une culture commune. »

Consciente de la fragilité des formats – dépendance aux plateformes, obsolescence rapide – Maud Clavier plaide pour la création d’outils durables et hospitaliers, à l’image des expériences qu’elle conçoit : ouvertes, sensibles, accessibles. « On ne fait pas du numérique pour faire du numérique. On crée des espaces où l’on peut vraiment être ensemble. »

Cet article a été rédigé avec l’appui de l’IAgen, d’après la retranscription textuelle du podcast, puis corrigé par Maud Clavier elle-même.

Cet événement s’est tenu le cadre du Sommet pour l’action sur l’IA.

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