Intégrer les principes du Lore dans la dramaturgie : « Faire appel à du théâtre vivant en créant des objets qui ne sont pas transposables sur une scène de théâtre traditionnel » Léonard Matton

À l’occasion de la Session Media Lab organisée par Chaillot Augmenté et le TMNlab, Léonard Matton, metteur en scène de la Compagnie Emersion, a partagé sa vision du théâtre immersif au micro de Chrystèle Bazin. Collage, narration éclatée, brouillage des frontières entre réel et fiction, et expérimentation de l’intelligence artificielle : une plongée dans un univers théâtral mouvant et sensoriel où le public devient partie prenante du récit.

Animé et monté par Chrystèle Bazin, autrice sonore et journaliste
Enregistré lors de la rencontre TMNlab co-organisée avec Chaillot – Théâtre National de la Danse, jeudi 13 février 2025
Musique : extrait d’Helsingor, le château d’Hamlet, Compagnie Emersion

Théâtre immersif : entre vertige narratif et puissance du vivant

Léonard Matton ne se définit pas uniquement comme un simple metteur en scène. Il revendique également une position de « metteur en espace », tant sa pratique du théâtre immersif refuse les cadres traditionnels. Pour lui, l’immersion commence par un éclatement du récit, une spatialisation de la narration et une réinvention permanente des formats : « J’appelle théâtre immersif ce qui va faire appel à du théâtre vivant en créant des objets qui ne sont pas transposables sur une scène de théâtre traditionnelle.  »

Dans ses spectacles, le public est immergé dans un univers fragmenté, où chaque spectateur peut tracer son propre chemin, choisir un personnage à suivre ou encore lire un journal intime laissé dans un coin de l’espace. Mais attention à ne pas confondre cela avec de l’interactivité : « L’œuvre en elle-même ne dépend pas des spectateurs. La narration a lieu malgré eux. »

Ce fonctionnement repose sur une écriture complexe, fondée sur le collage — de textes, de références, d’époques, de dispositifs. Une méthode qui trouve une résonance toute particulière dans son projet en cours, Manhattan Transfer, d’après le roman de John Dos Passos, œuvre kaléidoscopique de la modernité urbaine. « L’IA permet de faire ce que 20 humains ne pourraient pas gérer simultanément : générer des contenus personnalisés, comme une voix qui lit à un spectateur son propre rêve » (donnée collectée à l’achat du billet et intégrée dans la narration.)

Cette expérimentation avec l’intelligence artificielle, encore embryonnaire selon lui, est pensée comme un prolongement du travail dramaturgique : générer du vertige, flouter les lignes entre fiction et réalité, sans perdre de vue la centralité du sensible. « Il y a cette idée d’un univers qui se compose et se recompose en permanence aussi de par la présence physique du public dans des espaces, qui varie de soir en soir. »

Le théâtre de Léonard Matton ne s’arrête pas à la représentation : en amont, les spectateurs reçoivent une lettre écrite par un personnage, parfois générée par IA. En aval, l’univers se prolonge via un tarot narratif ou un podcast. Une manière de cultiver une dramaturgie de l’univers étendu, inspirée des séries télé. « C’est important d’avoir un humain qui continue à traduire, adapter, diriger. Pour comprendre les couches du sous-texte, les équivoques ».

Le public, lui, répond présent. Certains reviennent jusqu’à dix-huit fois pour un même spectacle, chaque parcours offrant une nouvelle lecture. Le théâtre immersif devient alors un terrain d’expérimentation partagée, où la technologie amplifie la narration, sans jamais remplacer le contact, l’imprévu, ou l’instant du vivant.

Cet article a été rédigé avec l’appui de l’IAgen, d’après la retranscription textuelle du podcast.

Cet événement s’est tenu le cadre du Sommet pour l’action sur l’IA.

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