Des lieux « jamais finis » pour continuellement expérimenter les transitions

Construire des bâtiments ou des lieux ? Conditions spatiales et sociales de pratiques démocratiques en tiers-lieux, le catalogue de l’exposition « Lieux infinis », proposé par le Pavillon français de la 16ème Biennale internationale d’architecture de Venise, explore les interprétations de ce concept à travers les réflexions de plusieurs auteurs de différents métiers et disciplines, et l’illustre par dix de ces lieux dits « infinis » ou plutôt, comme nous allons voir, « non finis ».

Marion Boespflug, doctorante, en publie pour l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires une fiche de lecture, pointant la complexité de repartir des usages pour créer des lieux culturels, dans un modèle historiquement descendant :

“Comme le souligne Joëlle Zask, « ce qui fait lieu : c’est l’espace par lequel se déploie une pluralité d’usages et dont […] la configuration est produite par les usages pluriels d’individus reliés dans l’espace et dans le temps » (p. 93). Sans les usages, un lieu ne peut se construire. Or si les architectes et les décideurs, dans une dynamique descendante, sont les seuls à posséder le pouvoir décisionnel, l’existence d’un lieu risque de se terminer avant même d’avoir commencé. C’est pour cela que, accompagnant la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, se déploie aujourd’hui la « maîtrise d’usage ».”

Elle rappelle aussi la nécessaire question de la triangulation acteurs, élus, services des collectivités autour de la gouvernance de ces projets :

De quelques dizaines à plusieurs centaines de personnes, les dix lieux de l’ouvrage possèdent tous un cœur communautaire, sans lequel leur existence ne serait possible. Ce que les collectivités territoriales en mal de tiers-lieux peinent à appréhender, quitte à rater la dynamique de leur projet, résultant en des espaces, certes très jolis, mais vides – des non-lieux. L’organisation de ces communautés ne va cependant pas de soi, et la mise au point des modèles de gouvernance – plus ou moins complexes et favorisant toujours des formes d’horizontalité – est un passage obligé pour toutes. Une espérance en actes malgré les lourds obstacles systémiques et structurels.

Difficile de se projeter, même quatre ans après la publication de ce livre : les problématiques sont les mêmes, les solutions manquent toujours. Une lueur semble tout de même se profiler dans l’écosystème des tiers-lieux : l’investissement des politiques publiques sur le sujet depuis cinq ans a permis de renforcer les dynamiques des réseaux locaux et régionaux de tiers-lieux. Malgré les risques constants de récupération et de dénaturation qui accompagnent ce concept victime de son succès, l’intérêt croissant des institutions publiques, le déblocage de financements et la mobilisation de plus en plus d’acteurs en recherche de transition permettent aux maillages territoriaux de tiers-lieux de mettre en place plus d’expérimentations, de renforcer leurs savoirs et de petit à petit gagner du poids sur les politiques locales. Mais tant que les institutions publiques ne connaîtront pas de véritable transition structurelle pour accompagner efficacement les dynamiques horizontales, la situation stagnera.

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