De théâtre lieu de vie à théâtre tiers-lieu ?

Que nous entrions de pleins pieds ou un peu à reculons dans ce que nous appelons l’ère numérique, notre société vit une transition de civilisation probablement aussi importante que celle induite par la révolution industrielle : une transition économique, structurelle, politique, et bien sûr culturelle.

L’ère numérique, en repositionnant l’habitant comme coproducteur de savoir dans un écosystème en réseau, et non plus simple réceptacle des données et contenus émis par les institutions, en faisant évoluer les pratiques culturelles à grands pas, fragilise un système mais ouvre aussi un champ des possibles pour un nouveau rapport entre publics et lieux de diffusion.

On parle du retard des théâtres en matière de numérique… Certes, si on pense outils : dans leur histoire et leur organisation, l’innovation numérique s’est concentrée sur les plateaux plutôt que sur les lieux. Mais le maillage théâtral du territoire français, fruit de la décentralisation (merci Malraux), s’avère être un atout formidable face à l’essor de l’initiative locale, des nouvelles formes collaboratives, de nouveaux espaces de rencontres et de coproduction.

Alors nous posons quelques questions : les théâtres, en pensant la mutation numérique en local – et non pas comme la possibilité d’augmenter son audience de façon exponentielle à coup de vues sur Youtube -, bref, en acceptant un nouveau rapport plus horizontal avec les habitants, et ce dès l’écriture de leurs projets d’orientation, n’ont-ils pas devant eux un chemin à expérimenter ? Chacun pouvant aujourd’hui s’inventer des chemins personnalisés d’accès aux œuvres et aux informations, ne doit-on pas se nourrir de ces pratiques individuelles, de ces nouveaux usages pour coconstruire nos politiques de médiation ? La mouvance des théâtres « lieux de vie » va-t-elle muter en théâtres « tiers-lieux », espaces de circulation et de partage de connaissance, où s’imaginent avec les publics et habitants les projets de demain au service de leur territoire ?

Voilà une pensée au retour du Festival d’Avignon 2015 où j’intervenais parmi d’autres sur la grande question du numérique et du spectacle vivant. Le débat et la joie des expérimentations sont ouverts.

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