Entraînement de l’IA de Meta à partir de vos données Facebook et Instagram : pourquoi le secteur culturel est concerné ?

Entraînement de l’IA de Meta à partir de vos données Facebook et Instagram : pourquoi les professionnels du secteur culturel sont concernés ?

Depuis avril 2025, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) modifie ses conditions d’utilisation pour permettre l’entraînement de son intelligence artificielle, Meta AI, à partir des données publiques de ses utilisateurs européens. En clair : si vous ne vous y opposez pas avant le 27 mai 2025, vos publications pourraient contribuer à former ses modèles d’IA, y compris le modèle de langage LLaMA et l’agent conversationnel désormais intégré à WhatsApp.

Pourquoi cette échéance concerne les acteurs culturels ? Parce que la plupart des structures du spectacle vivant et de la culture utilisent Facebook et Instagram pour communiquer, diffuser leurs contenus, valoriser leurs actions, et construire leur lien aux publics.

Ce que Meta collecte (et ce que vous risquez de donner)

Sont inclus :

  • Les publications publiques des utilisateurs adultes : textes, photos, vidéos, commentaires, légendes, statuts, etc.
  • Les interactions publiques sur les pages, profils, groupes ou autres espaces accessibles à tous sur Facebook, Instagram, Threads et, dans une moindre mesure, WhatsApp (pour les contenus publics uniquement)
  • Les requêtes et questions adressées à Meta AI, le chatbot conversationnel, peu importe l’âge de l’utilisateur
  • y compris les anciens contenus, postés bien avant cette mise à jour.

Ne sont pas inclus :

  • Les messages privés (conversations privées entre amis ou famille) – sauf si un membre d’une conversation les soumet volontairement à l’agent IA.
  • Les contenus des comptes de mineurs (moins de 18 ans), sauf les interactions directes avec Meta AI.

Si vous avez (ou une personne de votre équipe) un compte personnel que vous utilisez pour gérer la communication d’un lieu culturel ou d’un festival, ou si vous publiez du contenu artistique en tant qu’artiste, vous êtes directement concerné.

Les Pages culturelles sont-elles aussi concernées ?

Un flou juridique

Les nouvelles conditions d’utilisation ne précisent pas explicitement si les Pages professionnelles sont concernées. Pourtant, leur contenu est public par défaut : annonces de spectacles, extraits vidéo, visuels de communication, captations, citations de textes, etc. Autant de données potentiellement absorbées pour entraîner une IA commerciale.

Le risque n’est pas simplement de « nourrir » une IA avec vos visuels ou textes : c’est de participer involontairement à un mouvement global de captation de contenus sans rémunération ni reconnaissance, dans un secteur déjà vulnérable face aux enjeux du droit d’auteur et à la massification de l’IA générative.

Par ailleurs, l’ensemble des interactions de vos publics avec vos pages seront collectées – sauf si chaque individu réalise une démarche pour s’y opposer.

Pourquoi le secteur culturel ne peut pas ignorer ce sujet

Réutilisation des contenus culturels
Les publications publiques (textes, images, vidéos, événements, commentaires) diffusées par les structures culturelles sur leurs Pages pourront être utilisées par Meta pour entraîner ses modèles d’intelligence artificielle, sans possibilité d’opposition spécifique pour les Pages. Cela inclut la documentation d’expositions, la médiation culturelle, les annonces d’événements, etc.

Valorisation ou dilution de la spécificité culturelle
Meta justifie cette collecte par la volonté de rendre ses IA plus pertinentes localement, capables de mieux comprendre les références et pratiques culturelles européennes, les langues régionales, ou encore les tendances locales. Cela peut permettre à l’IA de mieux valoriser certains contenus culturels, mais aussi de les intégrer à des usages globaux, hors du contexte d’origine.

Questions de droits et de propriété intellectuelle
Certaines structures culturelles publient des contenus soumis à des droits d’auteur, des droits voisins ou des restrictions de diffusion. L’utilisation de ces contenus pour entraîner une IA, même dans le cadre des conditions générales de Meta, soulève des interrogations sur la maîtrise de l’exploitation de ces œuvres et sur la conformité au droit de la propriété intellectuelle. L’affaire récente des images générées par ChatGPT imitant l’esthétique du studio Ghibli l’a encore montré : sans cadre clair, les œuvres deviennent des matières premières pour l’IA.

Risques de biais et de mésinterprétation
L’entraînement de l’IA sur des contenus culturels spécifiques peut conduire à des interprétations erronées, des biais ou une standardisation des représentations culturelles, si l’IA ne prend pas en compte la diversité et la complexité des pratiques et discours culturels.

Absence de contrôle et de transparence
Les structures culturelles n’ont pas de moyen de s’opposer à l’utilisation des contenus publics de leur Page, ni de contrôler la façon dont ces contenus seront utilisés ou représentés par l’IA de Meta. La transparence sur les usages effectifs reste limitée.

Protection des données et RGPD
Bien que le RGPD encadre cette pratique et impose un droit d’opposition pour les utilisateurs individuels, ce droit n’est pas ouvert aux Pages, qui sont considérées comme des espaces publics. Les structures culturelles doivent donc être conscientes que tout contenu rendu public sur Facebook ou Instagram pourra être exploité par Meta à ces fins.

Mais aussi, les structures culturelles ont :

  • Un rôle de médiateur numérique, ou d’éducation au numérique de ses équipes comme des publics. Elles sont une voie pour diffuser une culture numérique responsable et consciente.
  • Une responsabilité éthique et écologique. L’entraînement des IA est extrêmement énergivore. Il est contradictoire de promouvoir un numérique responsable tout en contribuant, même indirectement, à ces usages industriels. Ce point a été discuté dans plusieurs rencontres, notamment « Numérique culturel, numérique responsable » organisée par le TMNlab en octobre 2024 à Poitiers.

Ce que vous pouvez faire (avant le 27 mai)

Refuser l’utilisation de vos données est possible, mais demande une action manuelle et rapide. Et nous le rappelons, cela n’est valable que sur les profils personnels, pas sur les Pages.

→ Sur Facebook :

  1. Rendez-vous dans « Paramètres de confidentialité »
  2. Ouvrez le « Centre de confidentialité »
  3. Cliquez sur « Opposer » (2e paragraphe)

→ Sur Instagram :

  1. Menu profil > « Plus d’infos et d’assistance »
  2. « Centre de confidentialité »
  3. Cliquez sur « Opposer » (2e paragraphe)

⚠️ Important : Même si un droit d’opposition pourra être exercé après le 27 mai, il pourrait être inopérant. Une IA ne peut pas « désapprendre » une information. Si vos contenus sont absorbés, ils le resteront.

En résumé

Le secteur culturel ne peut pas rester en dehors de ce débat. La captation des contenus publics par des IA commerciales est une nouvelle forme de dépossession numérique. Il est temps de s’en emparer, de manière collective et structurée. En attendant, commencez par faire valoir votre droit d’opposition – et à interroger vos pratiques de publication sur les réseaux sociaux.

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